mercredi 25 juin 2008

Sept mots cochons

George Carlin vient de mourir. Il avait fait un sketch célèbre, Seven Dirty Words, qui lui a valu des poursuites judiciaires. Les sept mots cochons et interdits à l'époque sont shit, piss, fuck, cunt, cocksucker, motherfucker, et tits.

Je me demande bien quels mots sont indicibles aujourd'hui, que l'outrance sexuelle est devenue branchée et une façon facile de plaire. Le sexe - sa représentation dans les arts, les media - est clairement devenu un liant social comme un autre.

Je participais il y a quelques années à un colloque qui se posait précisément cette question: qu'est-ce qui est excessif aujourd'hui, sur scène ? Les intellos et les artistes, tous enfermés dans la petite bulle de leurs intérêts étroits, n'avaient même pas répondu à la question principale qui leur était posée, ce qui m'avait stupéfiée. Un de interdits majeurs consiste probablement, aujourd'hui, dans la transgression du respect des différences. On voit des gens faire l'amour sur scène, mais on n'oserait pas se moquer des handicapés, par exemple.

Bref. Je pense qu'un des mots les plus cochons aujourd'hui est esprit. C'est par l'intelligence qu'une révolte est possible, mais comme on préfère n'être que de petits rebelles, on n'en a pas vraiment besoin.

mardi 24 juin 2008

Outre le plaisir et la procréation ...

… la sexualité aurait six autres fonctions, selon certains sexologues (Willy Pasini)

1. rassurer (sur ses capacités sexuelles)

2. contrer la dépression

3. favoriser le sommeil

4. renforcer l’identité

5. communiquer

6. socialiser

Il y en a probablement beaucoup d’autres, comme toute activité humaine relationnelle. L’imbrication du biologique, du sociologique et du biologique est fascinante. Personnellement ce que j’aime bien c’est ce calme incroyable qui monte après la relation. Comme si la frénésie du corps dissipait toutes les brumes de l’esprit. Après l’acte, je pense clair, j’ai plus de certitudes que de doutes, et je travaille tellement bien.

vendredi 20 juin 2008

Un dénommé

Ed me traite de sodomite polaire ou quelque chose du genre. Indignée, j'ai égaré quelques "pensées" chez lui en commentaire.

Il faudra qu'on parle un jour de l'"outrance" sexuelle dans les blogues; j'ai l'impression que c'est très branchouille, mais peut-être suis-je très démodée. J'ai vu qu'il y a des tentatives littéraires intéressante et d'autres franchement monotones. Mais - Français encore un effort- je n'ai pas encore vu de truc super dégeu. Dégeu, beau et un peu plus que rebelle. Si ça existe, je prends.

jeudi 19 juin 2008

Rabelais et la cruche (suite)

Je suis allée rapidement visiter le site de la cruche, qui dans un de ses "coups de gueule" cite Rabelais et sa phrase célèbre: "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme".

Je fais remarquer à la cruche que Rabelais n'est pas de son camp. Il écrit dans le Pantagruel: "Laisse moy l'Astrologie divinatrice, et art de Lucius comme abus et vanités" (ch 8).

Il a aussi écrit une croustillante satire des astrologues, la Pantagruéline prognostication, qui commence ainsi:

"Tu destruyras tous ceulx qui disent mensonges", ce n'est legier peché de mentir à son escient & abuser le pauvre monde curieux de sçavoir choses nouvelles.

Je vous laisse avec une de ses prédictions qui mime bien la stratégie tautologique qui sous-tend le discours "divinatoire" :

Ceste année les aveugles ne verront que bien peu, les sourdz oyront assez mal: les muetz ne parleront guières: les riches se porteront un peu mieulx que les pauvres, & les sains mieulx que les malades.

Les aveugles verront bien peu, rien de plus vrai, n'est-ce pas, Elizabeth ?
Elizabeth ?
ELIZABETH ?

La cruche

L'astrologue française Elizabeth Teissier a prédit la victoire de l'équipe de France à l'Euro-2008 et "un moment unique dans la vie" du sélectionneur Raymond Domenech, dans une chronique parue mercredi dans le magazine suisse l'Illustré.

(source: Lepoint.fr)

C'est le progrès paradoxal de notre civilisation: il y a encore des folles dangereuses et il n'y a plus de bûcher pour les brûler.

mardi 17 juin 2008

Du côté des toilettes

J’ai pris le bus Québec-Montréal, qui était pratiquement plein dès la Gare du Palais. J’ai fini sur la banquette du fond entre une brave dame et la porte des toilettes. Au bout d’un moment, elle a sorti un livre d’un auteur que je pense n’avoir jamais rencontré, Jean-François Vézina, L’Aventure amoureuse. J’ai rapidement compris que mes perspectives de voyage allaient rapidement être confinées entre le bruit des toilettes à ma droite et les relents de latrines littéraires à ma gauche.

Inutile de dire que les poubelles de l’histoire vont très bientôt accueillir cette mise à jour grotesque de la Carte du Tendre. Je n’ai pas le temps de faire une critique en règle de ce texte non-pensé et pas écrit. Je veux m’indigner d’abord de la complicité d’une maison d’édition (les Editions de l’Homme, 2008) qui pour faire du fric participe à l’avilissement des lectrices. Ensuite de la veulerie de l’auteur qui, pour acquérir une notoriété facile, joue avec les sentiments des lectrices à coup de torchons. J’ai un peu fureté, sur son site, qui nous offre en pâture l’introduction de son livre, fautes d’orthographe comprises. Une allégorie pesante de l’amour et un moralisme bien conservateur, qui est une insulte aux souffrances que produisent les déchirures amoureuses auxquelles la vie nous confronte. Grâce à JFV, et à sa carte magique, vous parviendrez, en traversant les régions de l’aire de Respect, des plaines de Confiance et du mont des Buts-communs, au séjour de l’Amour Durable. (Bruit de toilettes).

Il a aussi un blogue. J’en extrais une phrase de son dernier billet, symptomatique de la façon dont le cartographe « pense » : « J'ai proposé l'hypothèse que la téléréalité a pour motif inconscient d'extraire et d'exploiter une nouvelle forme de richesse aussi importante que le pétrole: Les émotions humaines et ce à l'insu de celui qui est filmé et qui veut être accepté et reconnu. ». Puissante hypothèse ! Révélation ! La téléréalité exploite les émotions humaines.

J’ai moi aussi quelques hypothèses puissantes à vous soumettre :

- la vitesse est parfois rapide

- la société est basée sur les liens entre les gens

- les émotions sont des mouvements intérieurs de l’âme

- les hasards sont des événements basés sur des coïncidences

- la lumière est le produit de sources lumineuses

- le danger est quelque chose de très périlleux

- il faut bien que ce qui doit arriver se produise un jour

Allez, avant de tirer la châsse, je vous donne déjà en primeur l’argument que JFV utilise avec les frustrées comme moi : « Penser contre a toujours été la façon la moins difficile de penser.» Ce qui est d’une débilité profonde, nommez moi un penseur qui n’ait pas commencé par penser contre ?

lundi 16 juin 2008

Addendum

Intriguée par le faire que Renart (voir ci-dessous) me prenait pour Michel Brûlé, je me suis sacrifiée pour lire un peu plus de sa prose. J’y ai découvert une personnalité complexe (mais pas trop) où l’orgueil et le narcissisme se doublent de systèmes de défense assez hermétiques. Il y a souvent chez l’humain ces deux traits contradictoires : volonté irrépressible de se mettre de l’avant, de se publier et besoin autiste de se blinder.

Donc, il me prend pour cet éditeur qui a refusé son roman. On note tout de suite la dérive paranoïaque : il y a un complot de ceux qui me veulent du mal, et si mon roman est refusé, ce n’est pas à cause de sa qualité, mais d’un « système » qui s’en prend arbitrairement à moi. Deux de ses billets, d’ailleurs, dénoncent – très naïvement – les pratiques pernicieuses des maisons d’édition. Si son roman a été refusé partout, c’est donc de la faute à tout le monde.

Car il a une haute opinion de son talent d’écrivain. Dans un de ses billets, il se fait écrire par je ne sais quel site une critique automatique affirmant que son blogue n’a rien à envier à la meilleure littérature. Surtout, il envoie en premier lieu son manuscrit à Gallimard. Cela dit tout sur l’estime de soi.

J’ai aussi relu une partie de son roman, écrit et retravaillé depuis de longues années, et publié en ligne. J’en avais le droit puisqu’il sollicite des lecteurs. C’est objectivement impubliable, car l’écriture – je ne parle même pas de l’ « histoire » - n’a de loin pas la qualité minimale pour passer positivement la critique du milieu littéraire. Il faudrait d’abord apprendre à écrire, et pour cela, il faut apprendre à lire, s’imprégner de la tradition littéraire, imiter, élaguer, bref, faire comme l’ont fait tous les grands écrivains. En outre, il faut écrire par besoin et non pas envie d’être publié. Tant que l’écriture n’est pas une nécessité vitale qui dépasse le besoin de reconnaissance, il y a peu de chance de faire quelque chose de bon.

Ce qui me surprend toujours, ce sont les processus d’auto-aveuglement mis en place pour ne pas accepter une critique négative : le critique est mauvais ; le système est pourri ; les amis me soutiennent. Ah les amis ! Ils peuvent faire tant de mal quand ils n’osent pas dire une vérité en face.

dimanche 15 juin 2008

Le flux

Auparavant on dénonçait le bruit, ou « un Oreste qui occupe à plein le volume, recto et verso » (Juvénal, sat. 1), aujourd’hui il y a le flux. Nous sommes nettement dans l’ère des contenants. Nous avons de nouveaux tuyaux, de bons gros tuyaux, très performants, et chacun lutte pour faire passer le plus de flux au plus grand nombre possible de monde par son bout de tuyau. Ce qui y passe transite très vite, laisse très peu de traces. Mais ce n’est pas important, l’essentiel c’est que ça passe, et surtout sans discontinuer. Car la moindre interruption pourrait rendre le tuyau caduc.

Cette logique n’est pas une fatalité, car les moyens technologiques nous permettent aussi, aujourd’hui, de sélectionner, de mettre de côté et d’apprécier à notre guise, à notre rythme. Se nourrir et non consommer. Il en va de même dans l’échange d’idées.

Ce que je regrette le plus au contact de ceux qui sont animés par la course au flux, c’est qu’il n’est jamais possible de discuter longuement, patiemment, complètement, sur UN sujet, et d’en épuiser tous les aspects. Convaincre, mais concéder aussi - j’ai toujours grand plaisir à voir mon opinion se nuancer, évoluer. Le dialogue est parasité par la paresse de la pensée, les esquives permanentes et le souci pathologique de sa petite personne. Pour eux, l’échange est souhaitable dans la mesure où il augmente leur flux.

Pour ma part, j’ai toujours choisi la rareté. Peu mais bien, intense, fertile, excitant.

samedi 14 juin 2008

Premier pavé

Dans le terrier (voir ci-dessous). Non prémédité, étant tombée là-bas par le hasard des liens.

J’avais laissé un commentaire d’une phrase, quelque chose du genre : « Si tu veux te faire lire par des écrivains, commence par te relire, ton texte est bourré de fautes de style ».

Comme c’était trop violent (le Moi étant fragile), le commentaire a été supprimé, puis l’auteur est revenu écrire un texte contre moi.

On note tout de suite la rigoureuse honnêteté du procédé : répondre à quelqu’un sans afficher ce qu’il a dit (et le définir comme simpliste), évacuer rapidement l’objet de la discussion en faisant le portrait présomptif de la personne (pseudo quétaine, image de bimbo virtuelle, non-blogueuse écumeuse de rage, personne assoiffée de reconnaissance facile).

Sur le fond ? une réponse : les fautes de style, ça n’existe pas ! Cela règle le problème de façon très pratique. Il faut que je retienne cette méthode, elle pourrait me servir.

Ce qui est aussi symptomatique, c’est l’apport des amis. Le vrai ami participe à l’évacuation du sujet (ils n’ont pas les moyens ou pas l’envie de dire qu’un texte est mauvais) : oh, la blogueuse n’a que quatre billets ! elle n’est pas « installée », elle est sûrement jalouse ; elle pue à la gueule, elle sent le putois, c’est un troll, elle écrit des mots qui n’ont pas de sens…

Bienvenue dans un monde frileux, qui refuse toute critique et où personne n’est capable de répondre précisément à une objection. Je vous ai trouvés lamentables.

Quand le blogueur se croit écrivain

(Au moment précis où je m’apprête à publier ce texte, je vois qu’on m’a déjà répondu. J’envoie quand même, et je lirai ensuite, quitte à faire des meae culpae).

Il y en a beaucoup de cette race. Certains – très peu - s’en approchent, beaucoup en rêvent. Le piège c’est que le blogueur se construit souvent un monde de complaisants autour de lui. Ceux qui le lisent sont soit ceux qui l’aiment soit ceux qui le protègent. Et plus personne pour leur dire qu’ils sont mauvais.

Prenons le dernier texte de Renart Léveillé, qui nous écrit une « fiction » littéraire liée à un rêve, «Manilla ». Comme il se veut écrivain, je me suis permis de lui dire que son texte était bourré de fautes de style (de façon générale, je trouve sa prose lourde, pédante). Comme il a refusé de publier mon commentaire (qui l’en blâmerait ? pas moi en tous cas), je précise ici ce que j’entends par fautes de style.

- Commencer son texte par « cela se passe dans des » est très maladroit : mollesse, imprécision.

- Le soleil qui rend les teints cuivrés : cliché éculé.

- La phrase suivante, «Dans cette civilisation …» est chaotique. Très mauvaise. D’abord, il manque un « dans » après « comme ». « La prostitution est une pratique qui a lieu » : expression très faible. Si c’est une pratique, elle a forcément « lieu ». « Mais dans celle-là » : lourd ! « Malgré sa prohibition » : génitif objectif ou subjectif ? « aux yeux de la majorité » : mauvaise alliance de mots. La prohibition étant une restriction légale, elle ne peut pas être adjointe à une expression qui définit un point de vue subjectif.

- « une de ces femmes » : Il n’a pas été question de femmes avant, le « ces » est donc mal choisi.

- « avec fierté, voire même de l’orgueil, » : déséquilibre. Soit « avec fierté, voire même orgueil », soit « avec de la fierté, voire même de l’orgueil ».

- « de plus en plus … de plus en plus » : lourd !

- bijoux pièges à regards : images naïve. Pourquoi les points de suspension ?

- « ça » : à éviter, c’est moche

- « est la preuve que l’on joue dans les grandes ligues du pouvoir, ce qui augmenterait d’autant le sien ». Trop explicatif. Quand on a du style, on sait faire passer une explication plus subtilement.

- « Le problème, c’est qu’il faut » : lourd, inélégant !

- « tenter d’investiguer est la meilleure manière de ne jamais l’atteindre ». Lourd, obèse ! Et « investiguer » n’est pas français. C’est du français de journaliste.

- « Alors, elle vogue de vague en vague jusqu’à ce que son opportunité se présente ». Une allitération ! Bel effort, un peu épais pourtant. Pourquoi un possessif devant « opportunité » ? C’est illogique. En outre, cet emploi d’ « opportunité » est un anglicisme, qui se répand grâce aux journalistes.

- la phrase suivante est à s’arracher les cheveux. « La procédure … est un plan » : il faudrait savoir choisir entre ces deux sujets, cela épurerait la phrase. « ce passage » : flou. « Rituel transmutatoire » ? Cela veut dire quoi ? L’adjectif n’existe pas en français.

- le chapelet des jours : cliché éculé. Malvenu dans le contexte de « contrées oniriques » dans lequel est censée se dérouler l’histoire. La phrase est bouffie.

- « après … un transport de sa personne » : aïe, aïe, aidez-le, quelqu’un !

- « un homme le libère de sa noirceur » : de sa noirceur morale ??? Ou de l’obscurité dans laquelle elle est plongée, probablement…

- « plus personne … ne la vît » : pas d’accent grave ici.

- « des rumeurs circulent qu’elle fut » : des rumeurs selon lesquelles elle fut ….

- « on en vint même à dire que » : lourd, surtout pour une dernière phrase qui doit faire office de chute.

Voilà. J’aurais pu en rajouter, mais c’est déjà assez ennuyeux. Ce blog était finaliste dans la catégorie littéraire du gala des blogues 2008. Sagacité du peuple, solidarité de la clique d’amis.

dimanche 8 juin 2008

L'homme au sac en papier

Dans l’infect, permettez-moi de nominer le monsieur au carton sur la tête. Je vais même perdre une minute à retrouver son nom, il le mérite bien. Rappel des faits, lors du gala des blogues québécois, il apparaît avec un sac en papier sur la tête, pour dénoncer l’anonymat des blogueurs. Philippe Schnobb, semble-t-il. Ce que j’adore, c’est que le fait qu’il ait monté cette mise en scène prouve qu’il a réfléchi. Il montait son petit coup, probablement dans la solitude de son bureau face à son Mac chéri. Je n’insiste pas sur l’ineptie consistant à dénoncer l’anonymat, d’autres ont avancé de bons arguments. Ce que je vomis par-dessus tout, c’est ce moralisme de la transparence, fondé sur la grande illusion que le masque est tromperie et l’être vérité. Non, le masque n’est pas moins vrai que l’identité sociale. Ca m’irrite de devoir rappeler une évidence. Ca m’exaspère que les journaleux ne réfléchissent pas plus. Mais je crois que c’est leur métier : écrire tous les jours sans réfléchir. Et le pire c’est qu’ils signent, ils sont fiers d’ôter le sac en papier.

Les blogueurs se croient à Hollywood

Retour d’une petite pause extra internet.

Je suis tombée sur le gala des blogues 2008, que j’ai regardé en entier – en pliant du linge.

J’ai trouvé cela bien fait dans la réalisation, et plein de bonne volonté. Mais, sur le fond, infect. D’abord, cela puait à plein nez la clique. Les usual suspects s’y pressaient pour « en être ». Ensuite, un pur décalque d’une production hollywoodienne, tout ce qu’on déteste. La négation de la création. Enfin, des catégories absurdes, des nominés sans mérite, des méritants non nominés. J’y reviendrai, c’est une mine de ridicules.