lundi 16 juin 2008

Addendum

Intriguée par le faire que Renart (voir ci-dessous) me prenait pour Michel Brûlé, je me suis sacrifiée pour lire un peu plus de sa prose. J’y ai découvert une personnalité complexe (mais pas trop) où l’orgueil et le narcissisme se doublent de systèmes de défense assez hermétiques. Il y a souvent chez l’humain ces deux traits contradictoires : volonté irrépressible de se mettre de l’avant, de se publier et besoin autiste de se blinder.

Donc, il me prend pour cet éditeur qui a refusé son roman. On note tout de suite la dérive paranoïaque : il y a un complot de ceux qui me veulent du mal, et si mon roman est refusé, ce n’est pas à cause de sa qualité, mais d’un « système » qui s’en prend arbitrairement à moi. Deux de ses billets, d’ailleurs, dénoncent – très naïvement – les pratiques pernicieuses des maisons d’édition. Si son roman a été refusé partout, c’est donc de la faute à tout le monde.

Car il a une haute opinion de son talent d’écrivain. Dans un de ses billets, il se fait écrire par je ne sais quel site une critique automatique affirmant que son blogue n’a rien à envier à la meilleure littérature. Surtout, il envoie en premier lieu son manuscrit à Gallimard. Cela dit tout sur l’estime de soi.

J’ai aussi relu une partie de son roman, écrit et retravaillé depuis de longues années, et publié en ligne. J’en avais le droit puisqu’il sollicite des lecteurs. C’est objectivement impubliable, car l’écriture – je ne parle même pas de l’ « histoire » - n’a de loin pas la qualité minimale pour passer positivement la critique du milieu littéraire. Il faudrait d’abord apprendre à écrire, et pour cela, il faut apprendre à lire, s’imprégner de la tradition littéraire, imiter, élaguer, bref, faire comme l’ont fait tous les grands écrivains. En outre, il faut écrire par besoin et non pas envie d’être publié. Tant que l’écriture n’est pas une nécessité vitale qui dépasse le besoin de reconnaissance, il y a peu de chance de faire quelque chose de bon.

Ce qui me surprend toujours, ce sont les processus d’auto-aveuglement mis en place pour ne pas accepter une critique négative : le critique est mauvais ; le système est pourri ; les amis me soutiennent. Ah les amis ! Ils peuvent faire tant de mal quand ils n’osent pas dire une vérité en face.

4 commentaires:

Patrick Dion a dit…

Il faut accepter la critique? Me permettez-vous alors celles-ci? Vous dites tout d'abord qu'il faut apprendre à lire pour apprendre à écrire. Pourquoi ai-je l'impression que vous n'avez pas proprement lu le commentaire que j'avais déposé sur le blogue de Renart lorsque j'y parlais de jalousie. Vous pointiez mon doigt accusateur alors que je ne faisais que me questionner.

Deuxième chose. Vous mentionnez qu'il faut écrire par besoin plus que par envie d'être publié. Ne croyez-vous pas qu'un auteur écrit tout d'abord pour être lu? Le but de cette quête d'amour de l'écrivain n'est-elle pas justement la publication?

Pleiada a dit…

J'accepte volontiers votre critique et de corriger l'accusation de jalousie en interrogation. Admettez quand même qu'il y a certaines interrogations qui peuvent être reçues comme des sous-entendus accusateurs. Vous dites que ce n'est pas le cas, je vous crois sur parole.

Sur le deuxième point: bien sûr, les auteurs veulent être lus. Mais selon moi, l'écrivain de valeur (et non l'auteur narcissique ou l'opportuniste) écrit d'abord pour créer quelque chose qu'il reconnaisse comme sien. Il est son premier critique. Tant qu'il ne le juge pas digne d'être autonome (publié, livré au public), il le retravaille. Virgile voulait brûler son "Enéide", qu'il considérait imparfaite, contre la volonté de l'empereur Auguste qui tenait à la voir publiée. Lisez les invectives de nombreux écrivains contre leur imprimeur, qui leur arrache une oeuvre encore en gestation. Ce qui prime, ce n'est pas d'être lu, c'est de mener à terme une création, qui doit parvenir à maturité et, surtout, être autonome de son créateur. Ce ne devrait pas être un auteur que l'on lit, mais une oeuvre. J'aime l'anecdote de ce peintre (Boudin?) qui allait subrepticement au Louvre avec ses pinceaux pour retoucher ses toiles.
Et lisez R. M. Rilke, "Lettres à un jeune poète", cela répond exactement à votre question.

Patrick Dion a dit…

Mais l'oeuvre n'est-elle jamais terminée pour le créateur? Vous écrivez vous-même, semble-t-il. Ne croyez-vous pas que l'auteur doit un jour abandonner, laisser aller ses écrits pour publication (ou jeu ou exposition ou n'importe quoi d'autre)? Ne doit-on pas arrêter de se relire? L'auteur trouvera toujours quelque chose qui lui déplaît chez lui, dans le fond ou dans la forme. Créer, c'est aussi apprendre à s'arrêter.

Pleiada a dit…

Oui, tout à fait, s'arrêter et laisser vivre son oeuvre fait partie de la création, et ce n'est pas le plus facile. Chacun le vit à sa manière.