lundi 24 janvier 2011

révolution fiscale

Avant que j'oublie, un site dont on va beaucoup parler en France bientôt: http://www.revolution-fiscale.fr/

Il montre que les plus riches payent moins d'impôts que les autres. Vous pouvez aussi simuler votre propre révolution fiscale. Du bon travail.

mercredi 12 janvier 2011

Deux ou trois choses

A propos de journalistes peu intelligents, je salue la performance de mon vieil ami PPDA, dont j'ai déjà honoré ici la fine patine de culture, médiocre auteur d'ouvrages de fiction à qui la vanité et le besoin compulsif de paraître font commettre des ouvrages fictifs.

Ayant délaissé largement la blogosphère cette année, je ressens comme une atrophie de la rate. Je dois décidément me soigner. Il me restait pourtant quelques billets qui traînaient, en particulier sur un adultère mythomane et grotesque, sur un mémoire universitaire consacré aux blogues, et probablement sur moult billets du Renart, mon tendre ami, et les tendances à la compromission chez certains blogueurs, acceptant de devenir des enseignes publicitaires.

On doit se demander comment j'ai meublé ma vie, sans ce déversoir ancillaire de toutes mes aigreurs. Fort bien, et fort mal, merci. Pour celles et ceux qui connaissent mes activités, je dirais que les responsabilités m'annihilent et que je les endurent contre mon gré. Ma vie privée reste extrêmement débridée et elle doit vous indifférer.

Pour revenir à mon activité dans la blogsophère - un nom auquel je ne m'habituerai jamais - je me souviens avoir laissé un commentaire, en automne, sur le site de la "Clique du Plateau", un blogue qui se veut acide, décalé, jeune, etc. Je ne me souviens plus de ce que j'ai écrit, ni du sujet du billet. Mais c'était trop acide pour eux, trop senti, ils ont sabré. C'est toujours ainsi: mes premières interventions, pourtant fort rares, passent très mal en général. Renart m'avait censurée, puis dé-censurée, puis traitée de mal baisée; ce grand esprit qu'est Jean-François Vezina, avait cru me répondre avec élégance sur son blogue, en grand seigneur comme on dit. Puis, sournoisement, après avoir laissé passé les mois, il a supprimé son billet. Ca devait trop le salir, j'imagine.

mardi 12 octobre 2010

Check

Hum, je me demande si je vais revenir, voyons l'état des choses:

- les journalistes, toujours aussi peu intelligents et cultivés
- les blogueurs, toujours aussi médiocres
- les tuyaux, toujours aussi gonflés




dimanche 28 février 2010

esprit public, douleur privée

Je viens de finir mon émission préférée de commentaire de l'actualité, "Esprit public", sur France Culture. Dans la médiocrité abyssale du paysage médiatique, cette radio survole le gouffre comme les grands oiseaux hugoliens qui planent, ivres de génie et d'indignation, sur ce grand mutisme de la pensée qui étourdit notre monde.

En fin d'émission, mon commentateur préféré, pour la pénétration de ses analyses, l'élégance de son langage et la pondération de ses propos, Jean-Louis Bourlanges, recommande la lecture du livre de Diane de Margerie, Proust et l'obscur. J'admirais ce souci pour une culture exigeante, qu'il maîtrise si bien, chez ce spécialiste en sciences politiques, énarque, conseiller à la cour des comptes.

Sa voix s'étrangle soudain de douleur, alors qu'il mentionne, défaillant, que c'est le dernier livre qu'il a lu à sa femme, malvoyante, qui vient de mourir la semaine passée. L'immense pudeur qui habillait son désespoir m'a fait pleurer.

mardi 15 décembre 2009

En y repensant (encore)

Ca me fait penser au lipdub des jeunes UMP en France, summum du ridicule et de la bêtise, dans lequel, pour illustrer la phrase "que la terre soit féconde", un jeune homme met sa main sur le ventre d'une jeune femme enceinte, et pour illustrer je ne sais plus quelle phrase parlant de nos racines, une empotée se promène avec une plante verte.

lundi 30 novembre 2009

En y repensant

Je revois cette scène ou Lagacé sort un morceau de viande préemballé sur le plateau pour illustrer je ne sais quel argument relatif à la chasse ! Grotesque et pitoyable.

Je me souviens de cette enseignante qui analysait "L'huître" de Francis Ponge et qui avait pour l'occasion amené une huître en classe. Je ne sais pas si Ponge en aurait ri ou pleuré.

samedi 28 novembre 2009

Eloquence

Je regardais quelques minutes "La Joute" hier avec notre blogueur héros Lagacé. Je n'ai pas pu rester suffisamment longtemps pour savoir s'il a gagné, car c'était insupportable. Un journaliste ne devrait pas se livrer à un tel exercice qui souligne la ténuité de son intelligence, il se met au risque d'une perte totale de crédibilité. Et dire que les questions débattues étaient préparées !

Donc, la rhétorique est encore vivante, merci la télé. Elle nous a permis de passer de la rhétorique restreinte à la rhétorique rabougrie. Il faudrait faire lire un peu de Cicéron ou de Quintilien à nos discipuli médiatiques, ils comprendraient quelques leçons, et par exemple que l'éloquence c'est aussi un débit, un rythme, et la science de l'ornement bien placé. Le chanteur avait un semblant de débit, mais pas d'idées; Marissal n'avait pas d'idées et un débit monocorde à endormir les mouches; Lagacé n'avait pas d'idées et pas de débit.

mardi 3 novembre 2009

100 ans tout rond

La mort de Claude Lévi-Strauss: une pensée neuve, un esprit ouvert, un regard qui a revitalisé nos conceptions un peu figées, de l'antique, de l'autre, de nous.

jeudi 22 octobre 2009

riens

Pourquoi avoir un blogue lorsqu'on n'a même pas le temps de penser à soi ? Et encore moins de faire la promotion de soi, ce qui est l'inflexible loi du genre. Si au moins je n'avais rien à dire, il me serait bien plus facile de l'étendre ici. Si au moins j'avais été dotée de ce talent de la phrase insipide, j'aurais pu encore plus facilement, à moindre frais, et avec diligence, la laisser folâtrer, débridée, dans ces champs infertiles, paître quelque pâture innutritive, tisser quelques liens rassurants pour prévenir le jour où je risquerais d'affronter dans la solitude à la fois l'absence de sens et l'insignifiance.

dimanche 4 octobre 2009

In pace

Riposa.

Mort de Mercedes Sosa, un beau parcours, je l'aimais bien.

mercredi 30 septembre 2009

L'oeil de la poule

Toujours Godard:

Le cinéma doit montrer des choses nouvelles, qu'on ne verrait pas autrement. Tenez, dans ce film tout à l'heure, une poule qui apparaît dans le cadre, avec son gros oeil...

La caméra c'est pas une certitude, c'est un doute ...

On trouve ces extraits ici.

L'audience nuit à l'art

Prenez Godard. Il a fait, et continue de faire, des choses très intéressantes, dont je ne soupçonnais même pas l'existence avant qu'il ne me les montre. Son dernier film, Notre musique, est une merveille d'inventivité, alors qu'il a plus de 70 ans.

Mais combien de gens apprécient cela ? Les spectateurs sont habitués à une grammaire, à un langage, et dès qu'on leur montre autre chose, ils refusent. C'est triste mais c'est ainsi.

(Entrevue de Steven Soderbergh, 30 sept, Rue89).

J'ai beaucoup de respect et d'admiration pour la recherche chez Godard. Au risque de déplaire, d'ennuyer et d'irriter, son art est avant tout une recherche perpétuelle, qui, dans le même geste, repousse indéfiniment l'objet de la recherche et casse à chaque fois son outil.

Dans Prénom Carmen, il apparaît pour dire: "Quand le soleil a disparu, faut chercher, mon vieux, faut chercher". J'aime chez lui le conflit tragique entre un scepticisme essentiel et les vestiges d'une foi.

J'aime son arrogance et son air buté, qui met la pensée avant les sensibilités.

J'aime sa désillusion radicale: le cinéma on ne l'a jamais utilisé. On lui a plaqué un texte à dire et un langage pour le dire avant même de le faire parler .

On nous donne des moyens techniques, mais on nous a dépouillé de nos moyens intellectuels.



samedi 8 août 2009

L'empereur un peu blogueur

Je lis en ce moment les Pensées pour moi-même de Marc-Aurèle. Un empereur (161-180) philosophe, c’est assez rare. L’homme le plus puissant du monde adepte de la morale stoïcienne, vivant frugalement, vendant les biens impériaux pour payer la guerre et ménager le peuple, prônant un Etat fondé sur l’égalité des droits et lui attribuant la fonction de garantir la liberté des sujets, est digne d’être encore lu aujourd’hui. De plus, ses Pensées tiennent un peu du journal, écrites parfois lors des campagnes militaires, parfois à Rome, manifestement au gré de ses réflexions et de ses lectures. Une idée me plaît particulièrement : la recherche du bien est liée à la recherche de la connaissance. On ne peut pas prétendre se conformer au bien sans se mettre en quête du savoir. Aujourd’hui, la morale s’appuie sur l’ignorance, pis : sur l’ignorance revendiquée, décomplexée.

lundi 6 juillet 2009

RF

Un journaliste à Roger Federer: "Etes-vous fier d'être le numéro 1 mondial?"

C'est confondant de bêtise, un journaliste.

jeudi 2 juillet 2009

Le blogueur malade

Quand survient le sujet dont tout le monde parle, le blogueur, sentant que les flots du trafic passent à côté de son nombril, éprouve le besoin irrépressible de se refaire centre de tout. L’événement doit repasser par son moi haïssable. Nous pardonnons au blogueur ce réflexe, car nous sommes tous haïssables pour des raisons similaires, mais à des degrés divers.

Donc, survient l’événement dont tout le monde parle. Trois réactions, trois degrés de maladie :

1. Le blogueur n’écrit rien. Pour lui, le pronostic de rémission est bon. Il sait vivre décentré, il a un bon rapport aux autres, il peut comprendre que l’autre vive sans menacer sa propre existence, il a une décente maîtrise de ses pulsions, et surtout il a une confiance suffisante dans ses capacités à séduire par ses qualités propres.

2. Le blogueur écrit sur le sujet. Il n’a pu résister : il n’a rien à dire, mais il le dit avec aplomb. Dans la vaste curée narcissique, il lui faut son petit morceau. Je ne suis rien, mais ce rien c’est moi, et c’est ça qui est important. Pronostic de rémission pessimiste, mais tout espoir n’est pas perdu. Une prise de conscience de son rapport à soi et aux autres pourrait lui ouvrir les yeux sur sa condition.

3. Le blogueur écrit qu’il n’écrira pas sur le sujet. Ici, le pronostic est franchement désespéré. Son petit message sibyllin signifie : ce silence olympien dans lequel je me drape, pour me démarquer du bruit du vulgaire, est lourd de tout ce que j’aurais à dire d’intelligent sur le sujet. Je me tais avec dignité, mais il faut absolument que tout le monde sache que je me tais. Je sais combien il serait ridicule que je parlasse, et combien cela me ramènerait au niveau de la tourbe populaire, mais de grâce, songez à quel point la sensation de mon silence est en soi signifiante, et ce qu’elle dénote de la hauteur de mes vues. Ce type est très malade ; en outre, au-delà de sa pathologie, on peut être sûr qu’il n’y a pas de pensée au-delà de ce qu’il écrit. Ce qui est vraiment, vraiment très grave.

Hegel et les vaches

Je connaissais « la nuit tous les chats sont gris », mais Hegel préférait la version indienne : « L’absolu : dans la nuit toutes les vaches sont noires » (repris dans la Phénoménologie de l’esprit, Préface).

vendredi 26 juin 2009

Inappartenance

A propos de la mort de Michael Jackson, ce mot d'Alain Finkielkraut (citation approximative): "Avec la mort de Michael Jackson, célébrée dans le monde entier, j'ai fait l'expérience de l'inappartenance au monde dans lequel je vis".

C'est un beau sentiment, qu'il est sain d'éprouver de temps à autre, et que je partage en ladite occasion.

jeudi 25 juin 2009

Le petit blogueur

Il regarde les adresses IP, il veut deviner fébrilement qui vient le lire, qui le critique, qui l’aime, il édicte des règles ridicules pour son petite univers, il bannit, il va commenter pour attirer les autres chez lui, il n’arrive pas à se retenir de laisser sa petite crotte sur le sujet chaud du moment, même s’il n’a rien à dire, il sait quels mots-clefs lui attireront du trafic, il se cite compulsivement, il fait des billets pour répéter ce qu’il a dit ailleurs, il a des croisades dérisoires contre des ennemis dérisoires, il fait des alliances, il s’inscrit dans les sites de « référence », il rêve de monter dans les classements, il compare avec délectation le sien avec ceux de ses ennemis ou concurrents, il rêve de trophées, de tribune, d’un vaste système cosmique dont il serait le point pivotal. Il ne pense pas, il aborde des sujets. Il ne lit plus de livres, il lit des billets ; la quête du savoir ne part pas de lui, mais du réseau de rss qui piétinent un cerveau passif. Il défend de grandes causes, mais il a renoncé à acquérir les outils pour penser. Faute de savoir se retirer de la frénésie de communication autotélique, il ne se cultive plus, il n’apprend plus, il n’approfondit rien au-delà de l’écume des choses, il ne connaît plus rien sinon l’image de lui-même qu’il rêve de disséminer universellement. Tel est le bon blogueur : toujours là, fidèle, mais gris, une sorte de nœud routier qui ne mène à nulle part, et se délabre.

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mercredi 17 juin 2009

la beauté du révolté

Je me rends compte que, dans ma vie, je n'ai été attirée que par les hommes qui gardaient en eux une tempétueuse envie de changer les choses, qui n'avaient pas abdiqué, qui refuseraient encore et toujours "l'état des choses". Parmi eux, ceux qui m'ont le plus touchée, sont ceux qui étaient assez intelligents pour constater leur impuissance, mais qui la transformaient en une mélancolie créatrice. J'aurais rêvé pouvoir les rendre heureux durablement, je voulais combler de douceur cet abîme insodable qu'ils semblent abriter en eux, mais j'étais moi-même probablement trop proche d'eux. Le plus sombre d'entre eux, et le plus doux également, est revenu me voir, tout récemment, après près de 10 ans. C'était un bonheur, de ceux que la conscience tragique du monde rend plus intenses.

Je me suis parfois distraite avec certains exemplaires de la vaste race de ceux qui ont capitulé. Je ne pouvais me retenir, après peu de temps, de les mépriser et de leur faire payer leur petitesse. D'ailleurs, ils ne comprenaient même pas, à quoi bon s'en faire ?

jeudi 4 juin 2009

Débat des élections européennes

Je regarde en ce moment, sur le site de France Télévision le débat sur les élections européennes qui vient d'avoir lieu, dans l'émission "A vous de juger". Si l'on compare avec le débat des chefs d'il y a quelques mois, c'est le troisième millénaire ! C'est vif, intense, discourtois, explosif, insultant, subversif. Regardez l'opposition Bayrou-Cohn-Bendit ! Ils échangent des prunes. Mélanchon envoie "au diable" la modératrice, qui pète un câble assez vite, et ça tombe sur De Villiers, qui ne se laisse pas faire. Besancenot parle avec des lames. La surenchère dans l'indignation est, je l'avoue, assez délectable. Cohn-Bendit, accusé de pédophilie à demi-mots par Bayou, le traite de "minable" en le tutoyant. Auparavant, il s'était mouché bruyamment. De Villiers, dont un fils accuse l'autre de l'avoir violé, définit la fille Le Pen comme odieuse. Des gens se marrent, et c'est vrai que le spectacle est bien drôle et mon préféré, jusqu'à présent, c'est Cohn-Bendit, qui tutoie tout le monde avec des grands airs de lassitude, et se tient la tête entre les mains. Ceci dit, avec tant d'intervenants, le débat vire très souvent dans un joyeux chaos. Mélanchon qui fait remarquer que la Guyane n'est pas en Europe: très drôle, tout comme la diatribe grotesque de De Villiers contre le leader de 68 qui a "détruit la société", devant un Dany hilare.

Il faut reconnaître qu'il y a d'excellents débatteurs sur le plateau. Je les classe dans l'ordre suivant:

1. Besancenot: clair, tranchant, concis, avec toujours des exemples nets qui soulèvent l'indignation. Il arrive à être à la fois extrême et convaincant. Parfaite éthique du débat: il n'interromp jamais, mais lorsqu'il parle, son temps de parole est d'une efficacité redoutable.
2. Cohn-Bendit: sympa, bonhomme, enflammé, rigolard et pragmatique. C'est, selon moi, le meilleur pour dessiner des synergies opératoires. Une vraie vision.
3. Mélanchon: je l'ai connu plus acide; à la fois habile débateur et capable d'être très concret. Il arrive à exister très habilement, alors qu'il représente très peu en terme électoral. Excellent lorsqu'il bougonne ou qu'il agresse la journaliste.
4. Bayrou: porte des coups bas, assez indignes. Sa posture inspirée fonctionne sporadiquement, mais ne convient pas à ce type de débat. Il est entre le juge et le prédicant, ou même parfois dans la théorie du complot. Son positionnement politique est brouillé, car il veut profiter à la fois de la rhétorique de l'opposition et défendre l'Europe qu'il a construite.
5. Le Pen: elle n'est pas mauvaise, mais ses indignations sentent la recette trop souvent utilisée. Il y a quelque chose de mécanique qui lui nuit, et surtout le fait qu'elle est entourée de sacrés mauvais garçons qui la déplument dans la course à l'outrance.
6. Aubry: trop rigide, monocorde, un côté idéologue officiel qui passe mal. Sauvée par sa réponse sur la Turquie.
7.. Bertrand: trop rond, trop mou, trop faux. Il faut cependant reconnaître qu'il est seul contre tous les autres, et qu'il encaisse bien. Mais être seul est aussi un avantage dont il n'a pas profité. Hausser les épaules ne remplace pas un argument bien ciselé.
8. De Villiers. Emprunté, effacé, désservi par sa voix. Indignation ridicule; comme le dit Daniel: "Il est vieux, De Villiers". Le souffre-douleur de la classe.

La journalise, Arlette Chabot: vraiment nulle. Elle avait l'air d'une vieille peau d'institutrice chahutée.

Je me suis quand même bien amusée.

Destins brisés

C'est le titre d'un article de journal relatif à la récente catastrophe aérienne. On y énumère les "destins brisés" des passagers. L'expression est un pure oxymore, puisque la fatalité ne peut, par essence, pas être "brisée". Elle est la cause nécessaire de ce qui est irrévocable.

Le journaliste aurait dû écrire: "les destins accomplis", ou quelque chose du genre, la mort étant le point d'aboutissement d'une destinée.

Cela révèle une chose, c'est qu'on a détourné le sens originel du mot "destin", pour le faire équivaloir à une forme d'idéal. Ce qui a été brisé, c'est le rêve d'une vie idéale, ou, peut-être pire, le déroulement d'une vie selon une forme de logique, correspondant à un parcours social convenu. Qu'importe, le fait est que nous n'acceptons plus que l'imprévu fasse partie de notre vie, ou que notre vie dépende de forces extérieures à notre volonté (notre "arbitre", comme on disait).

C'est une grande illusion, de celles qui explosent parfois en plein vol.

vendredi 29 mai 2009

Les radins

Parmi mes différents lieux de résidence, je dirais que le Québec est le lieu où j'ai trouvé la plus grande proportion de radins. Dans mes fréquentations, j'ai maintes fois noté ce petit calcul mental, ce regard du coin de l'oeil, où cette hésitation au moment de payer qui dénote quelqu'un qui est près de ses sous.

La palme d'or du plus grand grippe-sous que je n'aie jamais rencontré dans ma vie revient à un type de Montréal, dont les stratégies pour ne pas payer étaient aussi élaborées que transparentes. Je le regardais faire avec fascination, et je développais des stratégies pour constater jusqu'à quel point il pouvait pousser le bouchon. Il s'était invité chez moi plusieurs fois sans jamais rien offrir, venant renifler au-dessus de mes casseroles quand je faisais à manger pour quêter une pitance. Un jour, pris d'un semblant de mauvaise conscience, ou alors informé du fait qu'il faut parfois offrir en retour si l'on veut que la générosité d'autrui ne s'assèche pas, il décida de me faire à manger. Or, il manquait d'ingrédients. Pour le tester, je me suis offerte pour aller faire l'épicerie, j'ai ramené les légumes, la viande (c'est-à-dire l'essentiel du repas), et j'ai tout posé sur la table. Il a cuisiné son plat, sans jamais me rembourser. Il m'a donc invitée à un souper que je payais moi-même ! Il y a mille anecdotes avec ce type, qui ne pourra jamais être mon ami, mais que j'observe avec un oeil d'anthropologue. Récemment, il s'est marié, et je suis allée à son mariage, pour rigoler, et en me délectant de n'offrir rien. J'ai refusé de contribuer à la bouffe que quelques amis voulaient lui offrir le lendemain.

Hier, un autre "ami", que je crois aussi radin, m'a invitée au spectacle Cavalia, connaissant mon amour des chevaux. J'ai compris qu'il avait pris les places les plus chères. J'ai donc fait bonne figure, pour qu'il soit heureux de sa soirée, bien que le spectacle m'ait légèrement ennuyée. Je ne suis pas très adepte des mythologies scéniques, engluées dans des éclairages et des musiques lourdes, je trouve cela excessivement démagogique, et un rien insultant envers le niveau intellectuel des spectateurs. J'ai d'abord essayé de comprendre son accès de générosité, et puis j'ai préféré accepter sans arrière-pensées son cadeau, la générosité consistant aussi, parfois, à savoir recevoir sans réfléchir.

samedi 9 mai 2009

Valeur sûre

Rien de tel que d'avoir un ennemi con, narcissique et bavard. Tout ce qu'il, tout ce qu'il fait, renforce la satisfaction de voir fonctionner à plein régime notre efficace herméneutique. S'il est vraiment con, il ne nous trahira jamais. Pas d'imprévu, pas de fluctuation, une valeur sûre. Chaque fois que je le vois ou l'entends, je peux éructer un bon "quel con", qui fait tant de bien.

On devrait pouvoir pouvoir acheter du con à la bourse, la matière première ne ferait jamais défaut, et on serait à l'abri de toute crise.

vendredi 10 avril 2009

Le plaisir

- Qu'est-ce que le plaisir, demande une lycéenne à Sarkozy aujourd'hui ?

- Le plaisir est au bout de l'effort.

Voyons donc !

mardi 24 mars 2009

Le chas de l'aiguille

J'ai entendu aujourd'hui qu'une recherche montre que les très grosses fortunes donnent moins, en proportion de leur revenu, que ceux qui gagnent modestement leur vie. J'ai oublié le chiffre exact, donc je préfère ne pas inventer.

Heureusement, il y a la télévision pour faire oublier.

mardi 17 mars 2009

La onzième plaie

De toutes les plaies qui peuvent s'abattre sur l'humanité, la pire est cette race de personnes qui n'ont pas les moyens de leur ambition, et qui ont encore moins la modestie et la lucidité pour s'en rendre compte, et qui n'ont a fortiori pas la pudeur de ne pas imposer leur médiocrité à leur prochain, ce brave prochain qui ne demandait qu'à l'aimer et le respecter.

J'ai lu, par devoir, tous les mots de cette thèse ennuyeuse, poussive, sans le moindre intérêt, et qui ne conclut rien. Mal pensée, mal structurée, dans un style empêtré par une volonté de briller qui devient insupportable après le premier paragraphe. Tout est redondant, approximatif, et surtout, surtout, fichtrement narcissique. L'auteur s'aime tellement quand il croit penser que ses topoi de modestie deviennent des hurlements impudiques d'auto-jouissance intellectuelle. Tu t'aimes tellement, coco, que tu ne vas chercher que ta propre pensée dans celle de ceux que tu analyses. Tu lacères ainsi ceux que tu crois aimer. Et surtout tu as fait de ma longue et pénible lecture une expérience de la haine, qui s'est accrue patiemment ligne après ligne. Ta logorrhée se résume ainsi à une thèse forte, incontestable, concrète : je te hais, pleinement, définitivement. Tu as pendant des heures parasité mon esprit, empoisonné mon coeur, usé mes nerfs, tu m'as menée à bout, tu m'as forcée à marcher sur ta voie sans issue, à écouter ton chant criard, et éprouver tes passions repoussantes, à deviner tes maladies et tes obsessions derrière tes pensées fixes. Tu parlais de philo, de théo, de littérature et de sciences, et tu exposais en même temps, inconsciemment mais indécemment, ton propre rapport déviant à ton père. Et c'est bien la dernière chose que je voulais savoir.

Demain tu viendras écouter mes commentaires, j'aurai à peine dormi, et je sais que tu voudrais quêter de la reconnaissance, de l'admiration, de l'amour, je ne sais quoi encore. Comment pourrai-je seulement masquer ma haine ? Une haine d'autant plus forte que je me hais moi-même de devoir m'exposer à cette vanité, et de n'avoir pas osé t'envoyer cette merde à la gueule et te disant de retourner à tes baguettes et à tes disciplines en laissant la pensée libre à d'autres.

lundi 9 mars 2009

Bonne fête

Hier c'était la fête du droit des femmes, aujourd'hui c'est l'anniversaire du prophète Mahomet.

Allez les blogueuses et blogueurs, j'attends de lire vos papiers sur le sujet.

samedi 7 mars 2009

Une définition du roman

J'ai capté dans une émission sur Céline la définition du roman comme "jurisprudence de l'humain".

Je ne me souviens pas avoir lu une telle caractérisation, mais je l'aime bien.

PPDA, toujours

L’ex grand Manitou du journal télévisé français vient de sortir une anthologie de la poésie française au titre niais d’ « Et puis voici des fleurs ». Avouez que ce n’est pas très compliqué d’écrire une anthologie de la poésie française. Heureusement, car le personnage ne connaît de la culture que la patine mondaine.

Je le voyais tout à l’heure dans une émission grand public de la télévision française – notez que la télévision ne sait pas inviter un vrai écrivain, mais seulement un homme médiatique qui se pique de littérature. On lui montrait des portraits de poètes qu’il édite, incapable d’en reconnaître ne serait-ce qu'un sur trois ! On lui cite un poète qu’il a choisi, édité, cette fleur du bouquet qu’il nous vend – incapable de l'identifier !

La télévision : des ignorants qui nous prennent pour des cons.

lundi 2 mars 2009

Que demander au diable ?

Grâce à certains vieux grimoires médiévaux ou renaissants destinés à l'apprenti magicien, on peut se faire une idée de ce que l'on recherchait à obtenir, alors, du pouvoir diabolique.

Eh bien, il apparaît qu'on recherche beaucoup moins le pouvoir, l'argent ou l'amour que le savoir!

Certains demandent même au diable de faire d'eux de bons médecins, juristes, théologiens ou philosophes !

Aujourd'hui que demanderait-on au diable ? Sex, celebrity, money.

Le désir de savoir est ce qui fait le plus défaut, alors que les moyens de savoir n'ont jamais été autant à notre portée.


(Source: Le Diable en procès, éd. Martine Ostorero et Etienne Anheim, Médiévales 44, Printemps 2003)


dimanche 1 mars 2009

Scéances de cinéma aléatoire

Une information que j'ai captée au vol à la radio (je ne sais plus qui, ni où): on mettrait au point un robot, capable de se promener seul dans les rues et qui aurait la faculté d'identifier la présence d'un mur pour y projeter des vieux films.

J'aime beaucoup cette idée.

samedi 28 février 2009

Je n'aime pas mon blogue

Je le trouve sec, étique, manquant de chair et de grâce, de sentiment. Souvent mal écrit, pas écrit, écrit trop vite, et le thème est à chier; je ne le relis pas. Il a quelque chose de judiciaire, répondant plus à des nécessités théoriques qu’à des envies. Il est moins enflammé qu’irrité, il dissémine la castigation d’une manière prévisible. Une vision du monde désenchantée contre laquelle l’ultime recours est l’aigreur juvénalienne. La sensibilité lui fait défaut, cette attention au détail vibrant qui humanise mon prochain, serait-il le plus borné sur terre. Il ne s’ouvre pas à mes mélancolies, à mes manques, aux distances insondables qui me séparent d’un bonheur qui se dérobe irrémédiablement, ni aux joies intenses qui sont les éclats bien concrets de cette grande fiction. J’ai voulu y creuser un écart radical, or on aime essentiellement par ce qui nous rapproche. J’y ai déposé un simple accident de mon être, une humeur, un vestige de ma foi en quelque chose. Je ne le désavoue pas pour autant, il est authentique dans sa partialité et fidèle à l’instance qui le produit, même s’il n’émane que d’un pli trop particulier de mon être. Je ne tiens pas à réfléchir outre mesure sur ce petit avorton, ayant déjà dû surmonter une mouvement de dégoût pour écrire le possessif dans le titre "mon blogue".