mardi 17 mars 2009

La onzième plaie

De toutes les plaies qui peuvent s'abattre sur l'humanité, la pire est cette race de personnes qui n'ont pas les moyens de leur ambition, et qui ont encore moins la modestie et la lucidité pour s'en rendre compte, et qui n'ont a fortiori pas la pudeur de ne pas imposer leur médiocrité à leur prochain, ce brave prochain qui ne demandait qu'à l'aimer et le respecter.

J'ai lu, par devoir, tous les mots de cette thèse ennuyeuse, poussive, sans le moindre intérêt, et qui ne conclut rien. Mal pensée, mal structurée, dans un style empêtré par une volonté de briller qui devient insupportable après le premier paragraphe. Tout est redondant, approximatif, et surtout, surtout, fichtrement narcissique. L'auteur s'aime tellement quand il croit penser que ses topoi de modestie deviennent des hurlements impudiques d'auto-jouissance intellectuelle. Tu t'aimes tellement, coco, que tu ne vas chercher que ta propre pensée dans celle de ceux que tu analyses. Tu lacères ainsi ceux que tu crois aimer. Et surtout tu as fait de ma longue et pénible lecture une expérience de la haine, qui s'est accrue patiemment ligne après ligne. Ta logorrhée se résume ainsi à une thèse forte, incontestable, concrète : je te hais, pleinement, définitivement. Tu as pendant des heures parasité mon esprit, empoisonné mon coeur, usé mes nerfs, tu m'as menée à bout, tu m'as forcée à marcher sur ta voie sans issue, à écouter ton chant criard, et éprouver tes passions repoussantes, à deviner tes maladies et tes obsessions derrière tes pensées fixes. Tu parlais de philo, de théo, de littérature et de sciences, et tu exposais en même temps, inconsciemment mais indécemment, ton propre rapport déviant à ton père. Et c'est bien la dernière chose que je voulais savoir.

Demain tu viendras écouter mes commentaires, j'aurai à peine dormi, et je sais que tu voudrais quêter de la reconnaissance, de l'admiration, de l'amour, je ne sais quoi encore. Comment pourrai-je seulement masquer ma haine ? Une haine d'autant plus forte que je me hais moi-même de devoir m'exposer à cette vanité, et de n'avoir pas osé t'envoyer cette merde à la gueule et te disant de retourner à tes baguettes et à tes disciplines en laissant la pensée libre à d'autres.

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