vendredi 26 juin 2009

Inappartenance

A propos de la mort de Michael Jackson, ce mot d'Alain Finkielkraut (citation approximative): "Avec la mort de Michael Jackson, célébrée dans le monde entier, j'ai fait l'expérience de l'inappartenance au monde dans lequel je vis".

C'est un beau sentiment, qu'il est sain d'éprouver de temps à autre, et que je partage en ladite occasion.

jeudi 25 juin 2009

Le petit blogueur

Il regarde les adresses IP, il veut deviner fébrilement qui vient le lire, qui le critique, qui l’aime, il édicte des règles ridicules pour son petite univers, il bannit, il va commenter pour attirer les autres chez lui, il n’arrive pas à se retenir de laisser sa petite crotte sur le sujet chaud du moment, même s’il n’a rien à dire, il sait quels mots-clefs lui attireront du trafic, il se cite compulsivement, il fait des billets pour répéter ce qu’il a dit ailleurs, il a des croisades dérisoires contre des ennemis dérisoires, il fait des alliances, il s’inscrit dans les sites de « référence », il rêve de monter dans les classements, il compare avec délectation le sien avec ceux de ses ennemis ou concurrents, il rêve de trophées, de tribune, d’un vaste système cosmique dont il serait le point pivotal. Il ne pense pas, il aborde des sujets. Il ne lit plus de livres, il lit des billets ; la quête du savoir ne part pas de lui, mais du réseau de rss qui piétinent un cerveau passif. Il défend de grandes causes, mais il a renoncé à acquérir les outils pour penser. Faute de savoir se retirer de la frénésie de communication autotélique, il ne se cultive plus, il n’apprend plus, il n’approfondit rien au-delà de l’écume des choses, il ne connaît plus rien sinon l’image de lui-même qu’il rêve de disséminer universellement. Tel est le bon blogueur : toujours là, fidèle, mais gris, une sorte de nœud routier qui ne mène à nulle part, et se délabre.

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mercredi 17 juin 2009

la beauté du révolté

Je me rends compte que, dans ma vie, je n'ai été attirée que par les hommes qui gardaient en eux une tempétueuse envie de changer les choses, qui n'avaient pas abdiqué, qui refuseraient encore et toujours "l'état des choses". Parmi eux, ceux qui m'ont le plus touchée, sont ceux qui étaient assez intelligents pour constater leur impuissance, mais qui la transformaient en une mélancolie créatrice. J'aurais rêvé pouvoir les rendre heureux durablement, je voulais combler de douceur cet abîme insodable qu'ils semblent abriter en eux, mais j'étais moi-même probablement trop proche d'eux. Le plus sombre d'entre eux, et le plus doux également, est revenu me voir, tout récemment, après près de 10 ans. C'était un bonheur, de ceux que la conscience tragique du monde rend plus intenses.

Je me suis parfois distraite avec certains exemplaires de la vaste race de ceux qui ont capitulé. Je ne pouvais me retenir, après peu de temps, de les mépriser et de leur faire payer leur petitesse. D'ailleurs, ils ne comprenaient même pas, à quoi bon s'en faire ?

jeudi 4 juin 2009

Débat des élections européennes

Je regarde en ce moment, sur le site de France Télévision le débat sur les élections européennes qui vient d'avoir lieu, dans l'émission "A vous de juger". Si l'on compare avec le débat des chefs d'il y a quelques mois, c'est le troisième millénaire ! C'est vif, intense, discourtois, explosif, insultant, subversif. Regardez l'opposition Bayrou-Cohn-Bendit ! Ils échangent des prunes. Mélanchon envoie "au diable" la modératrice, qui pète un câble assez vite, et ça tombe sur De Villiers, qui ne se laisse pas faire. Besancenot parle avec des lames. La surenchère dans l'indignation est, je l'avoue, assez délectable. Cohn-Bendit, accusé de pédophilie à demi-mots par Bayou, le traite de "minable" en le tutoyant. Auparavant, il s'était mouché bruyamment. De Villiers, dont un fils accuse l'autre de l'avoir violé, définit la fille Le Pen comme odieuse. Des gens se marrent, et c'est vrai que le spectacle est bien drôle et mon préféré, jusqu'à présent, c'est Cohn-Bendit, qui tutoie tout le monde avec des grands airs de lassitude, et se tient la tête entre les mains. Ceci dit, avec tant d'intervenants, le débat vire très souvent dans un joyeux chaos. Mélanchon qui fait remarquer que la Guyane n'est pas en Europe: très drôle, tout comme la diatribe grotesque de De Villiers contre le leader de 68 qui a "détruit la société", devant un Dany hilare.

Il faut reconnaître qu'il y a d'excellents débatteurs sur le plateau. Je les classe dans l'ordre suivant:

1. Besancenot: clair, tranchant, concis, avec toujours des exemples nets qui soulèvent l'indignation. Il arrive à être à la fois extrême et convaincant. Parfaite éthique du débat: il n'interromp jamais, mais lorsqu'il parle, son temps de parole est d'une efficacité redoutable.
2. Cohn-Bendit: sympa, bonhomme, enflammé, rigolard et pragmatique. C'est, selon moi, le meilleur pour dessiner des synergies opératoires. Une vraie vision.
3. Mélanchon: je l'ai connu plus acide; à la fois habile débateur et capable d'être très concret. Il arrive à exister très habilement, alors qu'il représente très peu en terme électoral. Excellent lorsqu'il bougonne ou qu'il agresse la journaliste.
4. Bayrou: porte des coups bas, assez indignes. Sa posture inspirée fonctionne sporadiquement, mais ne convient pas à ce type de débat. Il est entre le juge et le prédicant, ou même parfois dans la théorie du complot. Son positionnement politique est brouillé, car il veut profiter à la fois de la rhétorique de l'opposition et défendre l'Europe qu'il a construite.
5. Le Pen: elle n'est pas mauvaise, mais ses indignations sentent la recette trop souvent utilisée. Il y a quelque chose de mécanique qui lui nuit, et surtout le fait qu'elle est entourée de sacrés mauvais garçons qui la déplument dans la course à l'outrance.
6. Aubry: trop rigide, monocorde, un côté idéologue officiel qui passe mal. Sauvée par sa réponse sur la Turquie.
7.. Bertrand: trop rond, trop mou, trop faux. Il faut cependant reconnaître qu'il est seul contre tous les autres, et qu'il encaisse bien. Mais être seul est aussi un avantage dont il n'a pas profité. Hausser les épaules ne remplace pas un argument bien ciselé.
8. De Villiers. Emprunté, effacé, désservi par sa voix. Indignation ridicule; comme le dit Daniel: "Il est vieux, De Villiers". Le souffre-douleur de la classe.

La journalise, Arlette Chabot: vraiment nulle. Elle avait l'air d'une vieille peau d'institutrice chahutée.

Je me suis quand même bien amusée.

Destins brisés

C'est le titre d'un article de journal relatif à la récente catastrophe aérienne. On y énumère les "destins brisés" des passagers. L'expression est un pure oxymore, puisque la fatalité ne peut, par essence, pas être "brisée". Elle est la cause nécessaire de ce qui est irrévocable.

Le journaliste aurait dû écrire: "les destins accomplis", ou quelque chose du genre, la mort étant le point d'aboutissement d'une destinée.

Cela révèle une chose, c'est qu'on a détourné le sens originel du mot "destin", pour le faire équivaloir à une forme d'idéal. Ce qui a été brisé, c'est le rêve d'une vie idéale, ou, peut-être pire, le déroulement d'une vie selon une forme de logique, correspondant à un parcours social convenu. Qu'importe, le fait est que nous n'acceptons plus que l'imprévu fasse partie de notre vie, ou que notre vie dépende de forces extérieures à notre volonté (notre "arbitre", comme on disait).

C'est une grande illusion, de celles qui explosent parfois en plein vol.