samedi 28 février 2009

Je n'aime pas mon blogue

Je le trouve sec, étique, manquant de chair et de grâce, de sentiment. Souvent mal écrit, pas écrit, écrit trop vite, et le thème est à chier; je ne le relis pas. Il a quelque chose de judiciaire, répondant plus à des nécessités théoriques qu’à des envies. Il est moins enflammé qu’irrité, il dissémine la castigation d’une manière prévisible. Une vision du monde désenchantée contre laquelle l’ultime recours est l’aigreur juvénalienne. La sensibilité lui fait défaut, cette attention au détail vibrant qui humanise mon prochain, serait-il le plus borné sur terre. Il ne s’ouvre pas à mes mélancolies, à mes manques, aux distances insondables qui me séparent d’un bonheur qui se dérobe irrémédiablement, ni aux joies intenses qui sont les éclats bien concrets de cette grande fiction. J’ai voulu y creuser un écart radical, or on aime essentiellement par ce qui nous rapproche. J’y ai déposé un simple accident de mon être, une humeur, un vestige de ma foi en quelque chose. Je ne le désavoue pas pour autant, il est authentique dans sa partialité et fidèle à l’instance qui le produit, même s’il n’émane que d’un pli trop particulier de mon être. Je ne tiens pas à réfléchir outre mesure sur ce petit avorton, ayant déjà dû surmonter une mouvement de dégoût pour écrire le possessif dans le titre "mon blogue".

vendredi 27 février 2009

L'odeur du cul du diable

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Pour connaître l’odeur dégagée par les effluves du cul du diable, lisez Nicolas Jacquier, Flagellum haereticorum fascinariorum, paru en 1458.

Quelle utilité, me direz-vous ? Si vous voulez lui rendre hommage, c’est l’endroit que vous devrez embrasser.

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jeudi 26 février 2009

QJAA 5 : Sans scrupules

Je me suis rendue compte que "scrupule" signifiait chez les Romains "petit caillou", puis "tiers d'une drachme", soit "peanuts".

Ce qui serait réjouissant de nos jours c'est que certains banquiers sans scrupules se retrouvassent effectivement sans scrupule.

lundi 23 février 2009

QJAA 4 - métiers oubliés

Le maître des hautes oeuvres: le bourreau

Le maître des basses oeuvres: celui qui ramasse les cadavres et rase les sorcières.

Télévision

J’ai été invitée à une émission de télévision la semaine dernière, ou il y a deux semaines, par une sorte de faiseur d’opinion dans le domaine des sciences humaines. Ma contemption de la télévision étant ce qu’elle est, c’est-à-dire viscérale et formidable, j’ai décliné par les mots suivants : « Je ne crois pas qu'on puisse parler à la télévision, on y va pour se montrer, ce qui n'est pas ma démarche ». J’ai perdu un billet gratuit Montréal-Paris, mais je me sens plus forte, et légitimée.

QJAA-3 Femme de peu de foi

Selon certains, femina viendrait de fe (foi) et minus (moindre).

Eh bien moi, je n'y crois pas.

mardi 17 février 2009

QJAA 2 : le charme de la taciturnité


Quand on mettait le présumée sorcière à la question, ordinaire ou extraordinaire (i.e. la torture), on la faisait d’abord jeûner, pour qu’elle ne vomisse pas, et on rasait toute partie pileuse, car, pensait-on, il n’est pas rare que le Démon se tienne caché dans les endroits obscènes, où il pouvait à la fois rester muet et faire disparaître les sensations de douleur au plus fort des supplices (Nicolas Remy, La Demonolatrie).

On appelait cela le « charme de la taciturnité ».

dimanche 15 février 2009

QJAA- chrysocale et modicum

On ne devrait jamais passer un seul jour sans apprendre quelque chose. D’où cette série : Qu’ai-je appris aujourd’hui ? Pour fixer quelques lambeaux aléatoires de savoir, et pousser à l’humilité. Juste une bribe par jour.

Chez Mistral, il y avait deux mots : « chrysocale » et « modicum ». Le premier désigne un alliage imitant l’or, le second viendrait de l’adjectif latin signifiant modique, mais, si je l’ai bien rencontré chez Cicéron et consorts, je n’ai aucun souvenir de l’avoir lu sous la forme d’un substantif français.


mercredi 11 février 2009

Ce besoin de hiérarchie....

Cela devient lassant, et ce n’est pas près d’être fini : les classements de la blogosphère. Le dernier en date visant à établir le classement des 10 personnalités du web québécois a donné lieu au remplissage d’une case télévisuelle vide sur Radio Canada. Je comprends fort bien cette pente naturelle qui fait que toutes les parties prenantes au grand bruit médiatique (télévision, spectateurs, blogueurs, lecteurs de blogues) se fédèrent autour de ce genre de rites d’autocongratulation. Mais ce n’est pas parce que je la comprends que je vais la fermer. Voici ce que j’ai observé dans ce dernier avatar de la chose :

- l’idée vient d’un classement de Forbes sur les personnalités du web américain. Forbes ! Quel beau modèle, n’est-ce pas ? On va se précipiter pour faire à notre tour nos petits Forbes, exalter ces puissants qui nous méprisent, lécher le talon qui nous écrase, reproduire à tous les niveaux cette infecte logique de la hiérarchie de la fortune. Rien que d’y penser, cela me dégoûte. Un bonhomme sensé, Etienne de La Boétie, a écrit un traité sur la « Servitude volontaire », eh bien, on est en plein dedans. La résistance commencerait par le refus de ces logiques oligarchiques, l’abandon des systèmes de thésaurisations au profit de l’échange et de la circulation, la haine de la hiérarchie.

- le succès n’est pas une valeur. Pour un blogue à succès, pour un auteur à succès, pour une chanson à succès, combien de productions meilleures, mûries dans l’obscurité ! Le succès peut au mieux les faire connaître largement, au pire les dénaturer. Je me méfie de tout ce qui est populaire, car la popularité se gagne sur la compromission. Mes deux blogues préférés ne sont presque pas lus, entre 2 et 10 lecteurs réguliers probablement. Je sais que tant qu’ils resteront cachés, ils autoriseront une authenticité maximale, une singularité totale.

- la récompense pourrit la création. Je le vérifie incessamment. On ne travaille plus uniquement pour l’objet de la création, on façonne un objet qui puisse plaire. Le cinéma, croyez-moi, serait meilleur sans les Oscars et sans les recettes publicitaires, les romans sans le Goncourt.

- j’ai lu plusieurs sites de blogueurs dits « influents » sur la question. Certains d’entre eux, comme Martine Pagé, manifestent d’abord une gêne à participer à ce genre de hiérarchisation, pour mieux s’y livrer par la suite. C’est honteux, c’est lâche. On est dedans, ou on est dehors, suffit les faux-semblants. Surtout que, comme elle le reconnaît elle-même, une telle soumission à la logique dominante dans le monde économico-médiatique va à l’encontre des valeurs supposée des nouvelles technologies, censées privilégier les rapports horizontaux aux rapports verticaux. La télévision, elle, à la botte des Forbes, ne sonde jamais, elle écume. Je suis convaincue depuis longtemps que rien ne se produira par la télévision. J’ai ensuite espéré dans le web, mais quand je vois des prétendus pionniers, gourous, influenceurs du web faire cou-couche avec les ventileurs de paillettes du spectacle médiatique traditionnel, je n’y crois plus. Avant-hier, j’ai refusé de participer à une émission de télévision pour ces raisons, c’est mon plaisir à moi, je me sens plus forte que la reconnaissance (j’y reviendrai).

- le classement c’est l’absence de pensée. La preuve, le classement effectué révèle l’absolue vacuité de ses critères de sélection.

- enfin, il est toujours amusant de remarquer à quel point le classement amplifie spectaculairement les psychopathologies du moi. On commence à voir frétiller tous ceux qui sont minés par l’angoisse de la reconnaissance, profiler leur tête triangulaire en glapissant : « coucou, c’est moi, nominez-moi ».

lundi 9 février 2009

1ère béatitude

Heureux l'homme qui faute, heureux l'homme qui reconnaît sa faute, il est bien plus grand, dans ce moment, que le vaste conclave de tous les sages.

dimanche 8 février 2009

Clovis

En 2002, le grand patron d'une entreprise française touchait 20 millions d'euros annuels, soit 1500 fois le salaire minimum d'un ouvrier, soit autant que ce qu'aurait accumulé ce même ouvrier qui aurait travaillé sans discontinuer depuis ... Clovis (premier roi des Francs, 466-511).


(d'après Jean-François Kahn)

jeudi 5 février 2009

Le journaliste et sa foire

J'écoutais des éditorialistes analyser le désormais célèbre "I screwed up" d'Obama.

L'un deux:

- on se dispute sur la traduction correcte, certains proposent "j'ai merdé", d'autres "j'ai foiré".

Il ne semblait pas savoir que la différence peut tout au plus résider dans la consistance liquide du second.

Je rassure quand même ce journaliste à la sémantique défaillante: entre la foire commerciale et la diarrhée, il existe des liens analogiques particulièrement évidents.

dimanche 1 février 2009

Culture - brèves

J'entendais à la Radio l'ex-animateur vedette, journaliste littéraire, et récemment viré de la plus grosse boîte à audience de la télévision française, se lancer dans une philippique contre les fossoyeurs de la culture (quelle suite de clichés !). Pour soutenir je ne sais plus quel argument, il convoquait l'exemple de l'héroïne d'"Un Coeur simple" de Flaubert, qu'il appelait, avec peu de bonheur, "Félicie". Flaubert aurait bien ri de voir ce Bouvard de la critique le confondre avec Fernandel! Et PPDA se coucha dans la tombe qu'il avait lui-même creusée.