Je déteste être prévisible, mon orgueil en prend un coup. Mais il faut assumer. Qu’Ed cesse donc ses enfantillages, la tag, outre d’être un sale nom, est comme un vieux chewing-gum qui passerait de bouche en bouche. Imaginez le goût de salive durcie !
Je n’aime pas ce jeu pour plusieurs raisons :
- c’est puéril (péché véniel)
- ça a pour effet principal de renforcer l’infecte logique du flux (voir plus bas)
- c’est viral, c’est exponentiel, ça répond à une volonté néfaste d’expansion, mais non l’expansion d’un savoir qui se construirait, se développerait, se hiérarchiserait, mais seulement l’expansion du même. Encore de la moutonnerie.
- c’est basé sur le pavanement du moi. Le premier qui lance le mécanisme est mégalomane. Pour son plaisir narcissique, il contamine ses amis, sans s’interroger sur le déplaisir qu’il peut entraîner aux divers niveaux d’expansion de ce satané mécanisme, tant il est certain que son lien inepte touchera le blogueur comme la grâce divine le pécheur. Le destinataire est souvent complice d’ailleurs, il est flatté, le con.
- mais c’est sur surtout une contrainte. Je déteste qu’on me dise quoi écrire, à quoi penser, qu’on me fasse participer de force aux bêlements du troupeau. Merde ! J’ai remonté la tag des photos de bureau, j’ai constaté que beaucoup de blogueurs infectés sont gênés, incommodés, se plient à contre gré à l’exercice, contraints par l’amitié qui les lient au dernier passeur de la vérole virtuelle. Si mes brèves recherches sont exactes, le grand coupable, dans la tag des bureaux, est Dominic Arpin. Je soulève volontiers ma jupe pour l’ami qui me trouble en plongeant ses yeux dans les miens, mais je refuse de me faire dominiquer par procuration ou de me faire arpiner à mon insu.
- les tags sont ineptes. Les sujets sont inoffensifs, ils font ronronner la bien-pensance. Comme par hasard, il n’y a jamais de tag du genre : « quels arguments moraux trouvez-vous pour justifier le fait que, sachant que votre abonnement au câble pourrait sortir de la misère trois enfants de Calcutta, vous continuiez de vous abonner ? ». Ce serait le moment de se rendre compte que ces conneries à grande échelle nous endorment, et que cet endormissement profite à quelques uns.
Enfin, je ne me fais pas d’illusion, il y aura toujours un Ego suffisamment indécent (pléonasme) pour vouloir laisser sa petite goutte universellement. « En un mot le moi a deux qualités ; il est injuste en soi, en ce qu'il se fait le centre de tout ; il est incommode aux autres, en ce qu'il les veut asservir ; car chaque moi est l'ennemi, et voudrait être le tyran de tous les autres. »